La fonction maternelle en péril

« De la globalité de la naissance »

« LA FONCTION MATERNELLE EN PERIL »
Dossier de l’obstrEtrique Editions ElpEa n° 310 NOVEMBRE 2002

Dans cet exposé, nous allons aborder en termes « simples » la clef principale de ce passage (appelé en psychanalyse « crise de maternalité » (1)) et comprendre donc mieux le risque actuel couru par les mères et les enfants.

Des témoignages de sages-femmes réparties dans l’Hexagone, viendront argumenter dans ce sens  et proposer certains éléments de réflexion.

Car il y a une solution : la compréhension des lois de la « maternalité » va pouvoir nous permettre d’intervenir et de faire d’une méthode d’accouchement, un outil de prévention et/ou de soins des névroses post-accouchement dont le risque est d’entraîner un disfonctionnement durable de la relation mère/enfant.

Dans ce sens, les sages-femmes apporteront aussi leur témoignage….
A – LE PASSAGE : l’attachement maternel

Ce passage psychique qui se prépare pendant la grossesse et se « somatise » à l’accouchement, c’est donc passer de l’état d’enfant de ses parents à celui de parent de son enfant : cela nous semble une évidence car c’est la Loi.

Mais en réalité, il s’agit d’une formidable pirouette de l’inconscient que d’inverser les rôles !

Pour illustrer cela, une des préoccupations principale des futures mères (ou « préoccupation maternelle primaire » ( 3) ) n’est-elle pas ce questionnement : « Suis-je moi capable de faire un enfant normal » … de le nourrir ? … de l’élever … de faire comme ma mère ? .. ou surtout, de ne pas faire comme elle ?

Winnicot décrit ainsi cette période qui commence les derniers mois de la grossesse et perdure quelques mois après l’accouchement : « Normalement, la femme atteint un stade pendant lequel elle est le bébé, et le bébé est elle. Cela n’a rien de mystérieux, après tout elle aussi a été un bébé. Elle se souvient également des soins qu’on lui a donnés et ses souvenirs constituent une aide … ou un obstacle ! »

Les sages-femmes souvent, pour l’avoir éprouvé elles-mêmes, connaissent bien ce phénomène de régression qui permet à la mère de retrouver son enfance pour se construire elle-même en tant que parent … en transformant, en adaptant, en se positionnant …

C’est aussi ce qui fait dire à M. BYDLOWSKI, médecin et psychanalyste (4) :

 » L’enfant devient l’enfant de leur propre enfance ».

Chez les femmes qui n’ont pas fait ce passage avant l’accouchement, nous pouvons observer l’agitation et les cris chez certaines , notamment les « Maman ! » qui évoquent bien les allers et retours de l’inconscient vers l’enfance ; en l’occurrence ici, vers leur propre naissance ! …

C’est en cela que l’accouchement devient pédagogique, car en accouchant seule, c’est à dire à son rythme, décidant donc elle-même (même inconsciemment) de la séparation, en se mesurant à la force des contractions qu’elle domine, la réponse potentielle à la question « Suis-je capable ?  » sera pour la jeune mère  :   « Oui ! »… d’où l’investissement facile de la fonction maternelle (soins et présence psychique à l’enfant).

Le rôle de cette fonction est, pour le bébé, une adaptation sécure à la vie extra-utérine.

Matrice physique de l’enfant, la mère continue son rôle de matrice psychique en assurant cette « sécurité de base », chère à Dolto, donnant ainsi plus tard à l’adulte la sécurité intérieure, sans ce complexe douloureux de ceux qui ont été « mal aimés » de leur mère … sans ces difficultés d’adaptation incessantes, reproduisant ainsi souvent à l’âge adulte, les premiers schémas que leur mémoire a engrammés.

Mais cette fonction maternelle s’appuie sur un instinct qui lui, s’il est inné peut être gêné ou entravé, Winnicot nous l’a confirmé,  par les barrages émotionnels : les peurs transmises par le passé (les modèles d’éducation) etc….

Et surtout, il peut être complètement bloqué dans son expression quand l’accouchement n’a pas permis justement « le » passage. La mère reste « enfant de ses parents » et ne peut donc pas être parent de son enfant …

Actuellement, du fait de la politique de concentration des accouchements, ceux-ci sont maintenant dirigés. Comment devenir parent lorsque les soignants rejouent le rôle des parents en imposant, décidant, dirigeant etc …?

Cette attitude fait basculer les jeunes mères vers leur enfance, plutôt que vers leur rôle parental !

Elles ne peuvent pas faire leur passage surtout s’il y a eu reproduction dans l’attitude des soignants, (et les circonstances de l’accouchement) des schémas traumatiques du passé ! (5)

Les stress vécus par la mère se communiquent de façon durable à l’enfant. « Or un enfant qui pleure, qui est recroquevillé sur lui-même, n’apporte pas la même sécurité à la mère qu’un enfant calme et serein ». (Dolto).

Le passage psychique n’est pas fait, le bébé est agité ..  on comprend comment une mère peut « rejeter » son enfant, et si on ne l’aide pas, ne lui donner que des soins de nursing, sans que l’attachement soit en place : « on dirait que ce n’est pas le mien »… diront certaines.

Il ne s’agit pas ici du classique baby blues, mais d’un état durable. « Les névroses post-accouchement sont des souvenirs « traumatiques » de l’accouchement qui ne se refoulent pas au bout de trois jours » (6).

Les sages-femmes sont alertées par le nombre grandissant de futures mères et de jeunes mères en difficulté ;  des techniques d’urgence – avec certains outils que nous utilisons en préparation –  ont été mises en place pour permettre aux mères de faire leur passage (c’est-à-dire le lien d’attachement) que ce soit pendant la grossesse ou après l’accouchement, même plusieurs mois après.

La recherche scientifique a mis en évidence (7) sur l’homme et sur l’animal, les conséquences à long terme des stress périnataux.

Un bébé privé de la présence  psychique de sa mère ressent des frayeurs qui s’expriment le plus souvent par de l’agitation et qui ressortiront plus tard sous forme d’hypersensibilité, de  tendance dépressive ou de pulsion de violence. (1)

L’étude californienne que j’ai souvent citée (8) correspond tout à fait à ce qui peut se passer actuellement  ; il y a une corrélation entre situation obstétricale difficile (forceps, souffrance fœtale, pré-éclampsie ou travail très long)  associée au rejet maternel et la violence chez l’enfant devenu adulte. Si les deux conditions sont réunies, on observe une augmentation considérable du risque de violence et de crime à cet âge.

Actuellement violence rime avec délinquance. S’il y a démission parentale, n’est-ce pas aussi par défaut d’attachement ?

En tant que sage-femme, mon regard va jusque là car, à travers les centaines d’heures d’écoute de patientes me parlant de leur relation à leur mère, j’ai pu observer ceci : lorsque  ces futures grands-mères avaient été gênées ou bloquées dans leur attachement maternel, c’est en raison d’un accouchement difficile qui avait réactivé un traumatisme de l’enfance , les empêchant de faire leur « passage ».

Dans ce cas, j’ai pu observer alors la difficulté à devenir mère chez leur fille, difficulté s’exprimant et se somatisant sous forme d’angoisse +++…, d’asthénie, de boulimie, de MAP etc …

Il y a angoisse car recherche d’identité et difficulté à se  projeter dans un sentiment qu’on n’a pas connu et/ou qui a été source de douleur et de manque.

A l’heure des accouchements surmédicalisés, le risque est donc très grand bien qu’on ait du mal à l’évaluer faute,  bien sûr, de réelles recherches faites à ce niveau-là et aussi, parce qu’il échappe à l’observation purement médicale.

Et si on veut être complètement objectif, l’accouchement s’intègre maintenant dans un ensemble plus vaste d’idées qui révolutionnent la société : de la pensée unique à la « maîtrise » imaginaire, on peut parler aussi de régression puisque la peur, l’hyperactivité, la banalisation et la perte des valeurs traditionnelles sont à l’origine de ses choix…

La grossesse est devenue maintenant une maladie et pour la société et pour le corps médical … le fœtus est potentiellement en risque d’anomalie.

A la question « Suis-je capable de faire un enfant normal ? », la réponse est : « Non ! … nous allons surveiller … »

Comment s’étonner alors de la démotivation et de la peur des femmes ?

Se surajoutant aux protocoles rigides, la mère est déjà elle-même en difficulté !

Avant d’aborder le côté positif d’une solution possible à apporter, nous allons donner la parole à des sages-femmes qui ont bien voulu s’exprimer dans les quatre coins de l’Hexagone et qui vont nous apporter un éclairage supplémentaire au malaise existentiel des jeunes mères actuellement.

1 – REGION SUD
J.C., hospitalière depuis 35 ans. – C.H. 1000 accouchements

 » J’ai constaté depuis 5 ans que nos « mamans » accouchent dans un état très anxieux du fait de la programmation actuelle des accouchements. Les motifs de déclenchement sont souvent des résultats alarmants d’échographie. Or, en fait, une fois l’enfant sorti, la plupart du temps le diagnostic ne se confirme pas …

La moitié des accouchements est pathologique (stagnation de la dilatation > 3 h, bradycardie fœtale inexpliquée). De plus en plus, sans raison mécanique, il y a défaut d’engagement et le nombre des césariennes augmente.

En suites de couches, la relation mère-enfant est désastreuse. Les mères angoissées ne savent pas nourrir, calmer, cajoler leur bébé … si bien qu’elles ont une demande croissante de personnel auprès d’elles.

Nous avons beaucoup plus de baby-blues qu’avant, j’ai remarqué un manque de communication de ces jeunes mères avec leur propre mère. Les bébés sont très agités.

Avant cette période marquée par le regroupement de trois maternités, nous avions beaucoup moins de travail, donc plus de temps pour accompagner les mères … Les sages-femmes pratiquaient la préparation, la dilation dans l’eau : elles permettaient aux mères de se sentir autonomes et valorisées dans la mise au monde de leur enfant.

Les accouchements étaient plus simples et plus sereins et la relation mère-bébé meilleure, d’autant qu’il y avait une meilleure entente entre la mère et sa propre mère.

MHDV – Tu sembles marquée par ce manque de transmission de mère à fille ?

J.C. – J’ai été très surprise par ce relâchement actuel. On dirait qu’il y a comme une démission des grands-mères, ce qui expliquerait la démission des jeunes parents ! C’est toute la société qui est malade actuellement par une certaine perte des   valeurs ! ?

2 – REGION CENTRE

V.R., hospitalière – CH  1200 accouchements

Nous sommes un niveau III, nous concentrons la pathologie.

Pour nous grossesse = pathologie.. mais de l’ordre de 10 % il y a cinq ans, celle-ci est de 50 % actuellement.

La multiplication des protocoles et des gestes techniques nous a éloignées des femmes. Cependant, il y a eu un changement d’équipe récemment qui fait que nous ne déclenchons plus mais 70 % des femmes accouchent sous péridurale qu’elles ont demandée.

Ce que j’ai observé, c’est que depuis à peu près cinq ans, les femmes demandent beaucoup d’assistance de la part du personnel. Par exemple, une accouchée ne donne jamais les premières toilettes seule, et même les changes, pour les primis.

Nous avons beaucoup d’africaines et de magrhebines qui, elles, étaient plus instinctives. Depuis un an, à peu près, elles sont elles aussi désorientées. Quand les femmes font la préparation, elles sont plus autonomes.

Le protocole actuel les fait sortir à J4 et je suspecte qu’elles ne vont pas bien ensuite, car elles n’expriment pas assez en hospitalisation et demandent trop d’assistance. Or, nous n’avons ni le temps, ni les moyens pour répondre à toutes ces demandes… Il faudrait mettre en place des gens pour aller les voir chez elles !

MHDV – Ce que tu dis des africaines et des maghrébines m’interpelle. Elles ne s’appuieraient donc plus sur leur culture ?

VR – C’est ce qui nous a fait tirer la sonnette d’alarme et prendre conscience de ce mal-être des mères.

3 – REGION NORD

J.M., surveillante – CH 350 accouchements/an

MHDV – As-tu observé une évolution du psychisme des mères actuellement ?

J.M. – Oui, sauf celles qui viennent à la Préparation (environ 40 %), elles sont soumises au Discours Social qui veut qu’on accouche sous péridurale ! …

Les instinctives qui arrivent à 3, 4 cms sont rares maintenant. Elles sont soumises à cette même influence sociale pour l’allaitement et les soins au bébé.

Nous sommes un hôpital rural avec une population rurale. J’ai pu faire des stages dans de grandes structures où le phénomène est plus important encore. Par exemple, il y a 90 % de péri. On dit dans ces structures : « quand les femmes arrivent, on les met sur les rails » !

Il me semble que le phénomène social est peut-être plus violent puisque nous le ressentons en petite structure. Cette soumission s’exprime pour tout, que ce soit accouchement, garde d’enfants, que ce soit dans leur travail ou leur rapport aux hommes.

Actuellement les sages-femmes sont désorientées par l’indifférence manifestée par les jeunes filles qui viennent pour une IVG.

Il y a soumission au discours de la publicité. Elles veulent ce qu’il y a de mieux pour les enfants, mais les laissent devant la télé : on est obligées de les faire réfléchir à l’alimentation des plus grands. Il n’y a plus de distance par rapport à ce que propose l’image sociale.

Par contre, quand on les interpelle sur leur capacité de création vis à vis des bébés, cela les « branche ». Elles comprennent tout d’un coup : elles réalisent leur rôle à ce moment-là. On pourrait dire que ce type de « préparation » leur donne une identité ! Je m’interroge…

4 – REGION OUEST
R.J., – 24 ans – sage-femme remplaçante dans différentes structures

≥ 2000 accouchements/an

Pour moi, en écoutant les jeunes mères, le résultat de la surmédicalisation de confort est souvent et très vite décevant. Les femmes se sentent dépossédées … En fait elles sont passives (plus de liberté de mouvements) et sont coupées de leur bébé.

Pendant le travail, les couples trouvent le temps long et s’ennuient … C’est souvent la sage-femme qui informe la mère de  l’arrivée imminente de son bébé pendant que celle-ci regarde la télévision … occupation qu’elle poursuit souvent après la naissance de l’enfant, comme si c’était un jour ordinaire ! …

Jeune sage-femme, j’ai réalisé des expériences très diverses : du dispensaire au Maroc, en Côte-d’Ivoire, en Guyane, en passant par différents centres hospitaliers en France … l’accouchement à la maison …

Dans les sociétés communautaires comparables à celles de nos grands mères, l’accouchement est un acte naturel qui s’inscrit dans la symbolique fête/risque/vie.

La naissance d’un enfant ne se limite pas à sa naissance biologique mais les rites de passage vont l’aider à s’accoutumer à son nouveau milieu. La mère, à travers ces rites, est valorisée car elle a su endurer avec succès les épreuves de l’accouchement. Elle est admise d’ailleurs dans la communauté des femmes, quand elle a accédé au statut de « mère ».

L’importance des mécanismes de solidarité de groupe m’a alertée quant à la « solitude » des femmes occidentales. Dans nos sociétés dites « individualistes », les femmes sont isolées des autres générations de femmes. C’est donc plus l’image de la « femme-femme » que celle de la « femme-mère » qui est alors valorisée. Aussi un accouchement « naturel » est souvent perçu comme une régression … à l’état de mammifère (notamment certaines positions facilitant la dilatation …). L’image du sein reste alors érotique et ne donne pas place au sein nourricier…

Or, la fonction maternelle ne relève pas de la raison, mais de l’instinct : c’est à dire qu’elle relève du cerveau que nous avons en commun avec l’animal … plus on s’éloigne de la nature, et par extension de notre nature profonde, et plus on perd cet instinct indissociable de l’attachement à son enfant…

Alors, quel est le rôle de la sage-femme actuellement ? ………

Faire en sorte que les femmes se réapproprient leur accouchement ……

B – LA REVOLUTION SILENCIEUSE

« Faire en sorte que les femmes se réapproprient leur accouchement … »


… Oui, mais comment ?…

Il ne servirait à rien d’être contre la surmédicalisation si nous n’avons rien d’autre à proposer aux mères que le discours du « naturel ». Les meilleures préparations sont souvent mises en échec par la surmédicalisation.  Aussi, peut-être nous faut-il aller plus loin, à la source de la douleur, à la rencontre de « la clé » du passage… qu’elle soit accessible au plus grand nombre possible de femmes.

En ces temps où le « discours social » et la technique empiètent sur le versant psychique de la maternité,  et sur la fonction maternelle (à la base de l’humain), n’est-ce pas sur le psychisme qu’il faut travailler ?

Si on peut emprisonner les femmes dans les protocoles et les câbles de la technologie, on ne peut pas emprisonner la conscience si celle-ci est « éclairée », n’est-ce pas cela la vraie liberté ?

Donner aux femmes la clef de leur corps, de leurs émotions, de leur transformation psychique pour que, quoi qu’il arrive, elles puissent mettre en place leur fonction maternelle, peut devenir pour nous  l’URGENCE…

On voit bien à travers le discours des quatre sages-femmes, très représentatif des nombreux témoignages que j’ai reçus,  que la technologie vient en somme « sceller » ce qui a déjà été mis en route par le modèle social, l’entourage (et paradoxalement l’isolement) … et la surveillance médicale.

Alors pour nous, praticiennes de la naissance, si nous admettons cela, comprendre actuellement ce qui se passe dans l’inconscient d’une femme qui devient mère, devient aussi urgent que notre art de l’accouchement. Nous devons maintenant faire appel à cette compétence-là.

Et c’est tout à fait possible ! Dans mon tour de France des maternités, j’ai rencontré des sages-femmes en souffrance qui l’avaient compris, et les outils et les techniques que je leur proposais étaient d’autant plus faciles à installer pour elles qu’ils leur donnaient des moyens pratiques d’agir (moyens qu’on ne nous a pas appris en école d’obstétrique). Mais l’essentiel du message, elles l’avaient !

Elles aussi ont témoigné de leur expérience, de leurs découvertes. A travers elles, nous allons comprendre qu’une action est possible, quels que soient les protocoles et la surcharge d’accouchement des structures actuelles.

En attendant l’ouverture de Maisons de Naissance, nous pouvons nous mobiliser pour aider les femmes à devenir « femmes-mères » !

Si on admet cette façon de penser, ce qu’il faut alors comprendre, (pour faciliter la naissance), c’est que le travail psychologique, lui,  doit se faire avant l’accouchement et viser à favoriser l’attachement à l’enfant.

Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que si on identifie les peurs, si on lève les barrages émotionnels, toute femme a accès à l’attachement alors, instinctivement.

Comment pouvons-nous réaliser cela ?

        en travaillant sur le passé (identification des peurs et des conditionnements parentaux – dépassement de ces dernières : c’est la psychogénéalogie),

        en travaillant sur le futur  par des techniques permettant l’accès libre au cerveau archaïque (celui de l’accouchement) et ainsi à l’attachement instinctif…  tout en respectant la méthodologie de cet attachement  : ce sont les outils sophroniques dont la clé est l’accès à toutes nos compétences,  nous libérant ainsi des conditionnements du cerveau conscient…et c’est cela la vraie liberté…

        en travaillant sur le présent pour permettre à chaque femme l’attachement à son bébé-fœtus (c’est le « toucher affectif »… voisin de l’haptonomie) avec le respect du rythme propre à chacune)

Le passage psychique étant pratiquement fait, il ne reste alors que le passage physique : c’est la raison des accouchements faciles et c’est tout le travail de ce type de préparation , travail minutieux, extrêmement précis et rigoureux, auquel les femmes adhérent très vite.

Il peut permettre d’agir aussi dans l’urgence par exemple :

        en salle de naissance

Identifier et lever les barrages psychiques, encourager le future mère à dilater son col par la visualisation semble facile à mettre en place par les sages-femmes.

        en suites de couches

Etablir, ou rétablir, la fonction maternelle par la prise de conscience des facteurs traumatisants ayant bloqué l’attachement, paraît également possible à mettre en place, stoppant ainsi un syndrome dépressif.

        en HAD ou en hospitalisations des grossesses pathologiques

Faire qu’une tocolyse spontanée s’installe (avec ou sans médicalisation) par la prise de conscience des facteurs déstabilisants …

Faire « remonter » une tête qui sollicite trop un col !…

Transformer une grossesse pathologique en grossesse pratiquement normale.

C’est cela la révolution silencieuse : faire que quelles que soient les circonstances cliniques, l’attachement maternel (et la résolution de la pathologie qu’il peut entraîner) se mette en place

 

Pour la mère elle-même
et pour la sécurité du futur adulte


Comment les mères peuvent-elles y accéder même en structure ?

En étant conscientes de ce qui se joue, ou se rejoue psychiquement pour elles pendant l’accouchement, en « dilatant » leur col par la visualisation, en connaissant les lois de l’attachement pour que même en cas de séparation (couveuse ou césar abusive), elles puissent réinstaller (car elles l’avaient déjà fait) leur attachement à leur bébé.

Car l’urgence aussi, c’est que les bébés continuent à naître … et les maternités à fermer !

Comment les sages-femmes peuvent-elles réaliser ce travail, en structure comme en libéral ?  Elles vont nous le dire :

1 – REGION EST – secteur hospitalier – 2200 act

C.D. – salle d’accouchement

J’ai l’impression d’accompagner vraiment les femmes, de leur rendre leur place de mère ;  les rôles sont maintenant inversés, je sais les écouter.

Si une femme me demande : « quand vais-je accoucher ? », je réponds : « A votre avis, quand pensez-vous avoir votre enfant ? ». C’est elle qui a la réponse et c’est toujours juste.

Par exemple, je ne fais plus de cocktail calmant : je fais prendre conscience à la femme qui arrive avec des contractions que celles-ci servent à avoir le bébé. Si ce n’est pas ça, les contractions s’arrêtent.

J’arrive bien à gérer les accouchements chez les femmes qui voulaient une Péri et qui ne l’ont pas. Je me suis aperçue qu’on pouvait agir sur le RCF (ralentissement) en demandant à la mère de rassurer son bébé. Le rythme se normalise ainsi.

Il y a une nette diminution des extractions instrumentales car on attend plus longtemps … en fait que la patiente nous dise que c’est le moment. Si tout est normal, je ne mets plus de synto à l’expulsion.

Avec des mots simplement, j’ai nettement moins de rétention placentaire : « pour que l’accouchement soit complet et terminé, on attend que vous nous donniez le placenta ».

Petite anecdote : au mois de juin 2002, un des gynéco a remarque qu’il y avait une diminution très nette (à peu près 30 %) des extractions instrumentales. Il pensait que nous faisions beaucoup plus « d’expression ».  L’une de nous a fait le rapprochement avec nos nouvelles méthodes de travail, et pour ma part, j’ai constaté que je n’en faisais plus, sauf rarement sur indication médicale.

Enfin chez les MAP, il nous est arrivé après un travail psychique, d’observer une modification cervicale très nette : le bébé était remonté, le col s’était rallongé !!!

C.C. – salle d’accouchement

Ce qui a changé, c’est mon écoute : chaque mot va être pris en compte. J’essaye de leur faire mettre des mots sur leur douleur.

Dans les situations d’urgence, je me suis aperçue que les techniques pouvaient débloquer un travail qui n’avançait pas.

Par exemple « l’ image » a fait passer une primi à complète en ¼ d’heure (sur une péri qui ne marchait pas).

Et maintenant les femmes qui crient en poussant ne me dérangent plus car je sais qu’elles font leur passage psychique.

Tous les jours on arrive à mettre des mots, des explications sur ce qu’on constatait avant sans aller plus loin (par ex, nos intuitions de sages-femmes sur le pronostic d’accouchement ) et on en parle toutes…

G.K. – grossesses à risque

Je m’aperçois au niveau de ma pratique que je peux leur rendre ce qui leur appartient : elles s’autonomisent, reprennent une confiance en elles perdue.

Au niveau des MAP, il n’y a plus de C.U.  (même si elles gardent leur traitement tocolytique). Surtout, elles ne sont plus ré-hospitalisées après.  Alors qu’avant, elles revenaient souvent en consultation. C’était un appel.

Le toucher affectif, la psychogénéalogie, sont des supports dont je ne pourrais plus me passer.

Je retrouve ma place de sage-femme qui est de les soutenir, de les accompagner sur un chemin qu’elles auraient dû prendre au départ : retrouver leur potentialité,  leur pouvoir sur elles-mêmes.

2 – REGION SUD-EST

B.C. – sage femme libérale

Dans notre cabinet, il y plus de demandes de rééduc que de prépa. Et parmi celles-ci une femme sur deux est centrée sur la grossesse plutôt que « donner la vie ».

Or, l’urgence pour moi est de les amener à cette conscience là : c’est elles qui donnent la vie !

Dans ce type de préparation, elles deviennent plus sereines et communiquent avec leur bébé. Plusieurs d’entre elles (4) ont réussi à retourner leurs bébés qui étaient en « sièges ».

Elles accouchent bien à terme et se surprennent à entrer en Maternité sur des dilatations avancées : elles ont géré leur douleur sans le savoir ! Certaines mêmes, arrivent à complète. On peut parler d’accouchements rapides, ce qui étonne l’équipe médicale.

D’autre part, je suis étonnée par le calme et la présence des « bébés sophro ». Moi qui avais fait des massages avec des groupes qui n’avaient pas fait spécialement de sophro, j’ai vu la différence.

MHDV – On dirait que tu es surprise !

B.C. – « Les massages bébé » sont mon sujet de mémoire… aussi j’y suis très sensible.

D’autre part, si la Préparation Globale entraîne des accouchements rapides, pour les césariennes cela leur permet de vivre pleinement la naissance, elles ne sont pas frustrées… Je suis actuellement en Formation d’Eutonie qui me permet d’affiner ma sensibilité aux outils de cette préparation.

    V.L. – sage femme libérale

En tant qu’hospitalière, je luttais contre la douleur et je demandais la péri pour mes patientes, je banchais le synto et elles accouchaient très facilement.

Puis, j’ai eu deux expériences :

        l’expérience personnelle de mon 3e accouchement, d’une péri qui n’a pas marché  et j’ai réalisé l’importance du « senti » dans ma relation à l’enfant. Je suis plus à l’aise, plus instinctive, plus sûre de moi avec lui.

  une expérience professionnelle : une hémorragie très grave de la délivrance sur une femme à qui j’avais appliqué mon protocole péri + synto.

Cela m’a amenée à me poser des questions … A partir de la naissance de mon enfant, je me suis rendue compte que les bébés étaient très forts, très capables. Quand j’avais des souffrances fœtales ou des réa lourdes, je m’adressais à l’enfant comme à un être humain « conscient » … et il récupérait.

MHDV – Qu’est-ce qui a fait que l’accoucheuse a renoncé à la salle pour s’installer en libéral et travailler sur le psychisme (et la clinique bien sûr) des grossesses ?

V.L. – Je me suis aperçue que de par mes études, ce que je recherchais, c’est le côté magique de la naissance. Or j’étais dans un système où seul le physique comptait … et je suis tombée malade.

Actuellement mon travail est de faire prendre conscience aux femmes qu’elles auront de l’aide en salle de travail, mais que l’essentiel du travail, c’est elles qui le font !

Et là, mes camarades du bloc sont contentes de cette autonomie. En fait, il faut que la femme arrive avec un projet d’accouchement.

MHDV – Es-tu contente des résultats de ton travail ?

V.L. – Oui, ils sont probants. La majorité des accouchements est rapide. Mes patientes arrivent avec le projet : « Je ne veux pas de péri » … sauf pour des raisons médicales, bien sûr.

Je me suis aperçue que c’était ce qui me pesait le plus en salle : sans préparation spéciale les femmes souffraient et s’en remettaient complètement à la sage-femme, lui faisant porter le poids de leur souffrance en plus …

MHDV – Et les bébés ?

V.L. – Ils sont très calmes. Pendant la préparation je leur parle, je leur explique l’accouchement.

CONCLUSION

Il existe de nombreuses façons de préparer les mères, selon notre vécu et nos conceptions. Ces méthodes qui ont fait leur preuve, peuvent être mises en échec par les pratiques actuelles … j’ai connu ces échecs, ils m’ont fait réfléchir.

Les difficultés de la fonction maternelle donnent beaucoup de travail aux sages-femmes qui assurent les suites de couches des « sorties précoces » … Aussi, si on admet l’urgence de ces difficultés, il nous faut pratiquer des techniques d’urgence : ici il s’agit de mettre en place les lois de l’attachement au service de l’accouchement et de la fonction maternelle.

Si les pères ont été absents dans cet exposé, c’est qu’il n’était question que du rôle maternel. Dans notre conception de cette préparation, ces pères sont éminemment actifs. Ils travaillent leur « paternalité », donc peuvent gérer leurs propres émotions tout en aidant la mère dans la gestion des siennes et la mise en pratique de ses techniques.
Ils ont compris le travail du bébé qu’ils guident avec la mère, par la voix…

Dans notre société, le rôle des pères est actuellement « en restructuration ». Ici, le père aide la mère dans sa fonction maternelle, ne serait-ce qu’en la « reconnaissant »… C’est une autre dimension du couple, mais c’est un autre sujet …

En ce qui concerne les bébés, je pense qu’on peut être inquiet d’un bébé qui dort chez une mère dépressive, mais être rassuré par le calme et l’éveil du bébé dont la mère va bien ! Pour notre regard médical, c’est un critère de bonne santé physique et psychique…  bien que les choses ne soient pas toujours aussi simples.

Laissons Françoise Dolto nous expliquer cela :

« Il est très net, dans les familles à plusieurs enfants où un seul a été accouché sans violence, que celui-ci n’a absolument pas d’angoisse – ni à l’obscurité, ni au bruit, ni à la solitude – alors que les autres en ont. C’est assez remarquable de constater, dans tous les cas, cette différence… Des études ont été faites à ce sujet-là… « (9)

Dans ce même ouvrage, elle dira plus loin :

« Si petit qu’il soit, un enfant à qui sa mère ou son père parle des raisons qu’ils connaissent ou qu’ils supposent de sa souffrance est capable d’en surmonter l’épreuve en gardant confiance en lui et en ses parents ».

Qu’en est-il des enfants qui, même au cœur d’une certaine « violence », sont guidés par leurs parents au moment de la naissance, dont la mère dépasse sa difficulté pour ouvrir rapidement son col devant lui ? …

Qu’en est-il de ceux qui vivent une césarienne et que la mère soutient – pendant l’intervention – pour qu’ils ne puissent avoir peur des gestes qui les attendent…?

Elle est là, déjà, la fonction maternelle ! …

Et pour les sages-femmes  en souffrance dans leur rôle traditionnel d’accompagnement, cette compréhension-là redonne un sens à notre métier fait de passion et d’empathie …

bien au delà du biologique …

◊◊◊

NDA :

J’ai reçu beaucoup plus de témoignages que je ne pouvais citer ; cela m’a demandé un choix très difficile.

Je pense notamment à Edwige (région Est) qui fait un énorme accompagnement psychologique des déclenchements pour T.D., ou hypotrophie et trouble du R.C.F.

Elle permet à ces femmes en grande difficulté psychique de les conscientiser et d’accoucher ainsi facilement. Cela se fait au bloc !..

A toutes, merci !…

BIBLIOGRAPHIE

 

1 – C. BERGERET-AMSALEK – « Le mystère des mères » – Ed. Desclée de Brouwer
2 –  MH DE VALORS  –

                   « Le versant psychique de la grossesse » – D.O. n° 287 p. 30
                   « Le versant psychique de l’accouchement » – D.O. n° 289 p. 16
                   « La Préparation Globale ou comment faciliter l’accouchement » – D.O. n° 291 p. 28
3 – Donald W. WINNICOT  – « Le bébé et sa mère » – Ed. Payot 1995 – p. 23 et 59
4 – M. BYDLOWSKI – « La dette de vie » – Ed. Puf 1997
5 – MH DE VALORS – « Le versant psychique de l’accouchement » (cas cliniques) – D.O. n° 289 p. 20
6 – Même article, p. 18 – « Les deuils nécessaires ou le sens de la douleur » (Intervention  du Dr YANON-CANOTTI)
7 – MH DE VALORS – « Appel urgent pour un projet de recherche » – Conséquence « des stress périnataux » (publication des scientifiques) – D.O. n° 295 p. 30
8 – S. BIZIAU – « La péridurale, risques pour le nouveau-né et l’enfant » – D.O. n° 255 p. 63
9 – Françoise DOLTO – « Lorsque l’enfant paraît » (tome 2)  p. 13