Les stress périnataux

 

Principales études sur les conséquences d’un stress pendant la grossesse et l’accouchement.

Les sages femmes ont constaté que depuis longtemps les scientifiques se penchent sur ce sujet :

Déjà en 1969 G. Chapoutier a démontré une déficience des capacités d’apprentissage chez les souriceaux nés de mères stressées durant leur gestation. Chapoutier, G., « Stress de la mère gravide et capacité d’apprentissage des jeunes souris. » C.R. Académie des Sciences. (1969). D: 504-506

Depuis, de nombreuses études ont examiné les effets d’une exposition à différents types de stress durant la période prénatale et postnatale. Ainsi, il a été montré chez l’homme et l’animal, qu’un stress prénatal entraînait des perturbations comportementales variées telles que troubles du sommeil, hyperactivité, conduites de dépendance, états anxieux… Weinstock, M., et al., « Prenatal stress effects on fonctional development on the offspring ». Prog Brain Res. (1988). 73: 319-331 une diminution des capacités intellectuelles. Galler, J.R., et al., « The influence of early malnutrition on the subsequent degree of impairment of intellectual performance ». J. Am. Acad. Child Psychiatry (1983). 22 (1): 8-15

Un dysfonctionnement de l’activité de l’axe hypothalamo-adrenalo-hypophysaire pourrait être impliqué dans ces différentes réponses comportementales au stress. Maccari, S., « Influence de l’environnement prénatal sur l’axe corticotrope, Thèse université de Bordeaux ». (1995). 15-40

Principaux stress prénataux étudiés ces dernières années.

Stress sonore (surtout de 1960 à 1980).
Malnutrition.
Drogues prénatales y compris d’abus (cocaïne et associées : alcool, tabac).
Stress physique (coups, violence, viol).
Stress psychologique : perte de travail, violences conjugales, guerres.
Van Os, J., and Selten, J.P., « Prenatal exposure to maternal stress and subsequent Schizophrenia. The mai 1940 invasion of the netherlands ». British J. Psychiatry. (1998). 172: 324-326

Principaux effets des stress prénataux sur l’enfant connus à l’heure actuelle.

Effets anatomiques sur le cerveau, effets sur le système immunitaire.
Effets sur les systèmes endocriniens (diminution de l’insuline, augmentation cholestérol).
Effets sur les compétences post-natales : l’anxiété et les capacités à accepter les stress postnataux.
Effets sur Le développement physique, la croissance, la capacité d’apprentissage pourraient être affectées.
Effets sur les maladies de l’enfant et de l’adulte. Barker, D. J. P., « In utero programming of chronic disease ». Clinical Science. (1998). 95:115-128 et en particulier l’hypertension, les maladies cardio-vasculaires, le diabète, l’hyperactivité, la schizophrénie*… et la dépression ! la prématurité et l’hypotrophie. Henriksen, T. B., et al., « The relation between psychosocial job strain and preterm delivery and low birth weight for gestational age ». Int. J. Epidemiol. (1994). 23, (4): 764-774 * Plusieurs travaux montrent une augmentation de la vulnérabilité au developpement de la schizophrénie chez les petits garçons nés d’une mère stréssée dans le premier trimestre de la grossesse. Van Os, J., and Selten, J.P., « Prenatal exposure to maternal stress and subsequent Schizophrenia. The mai 1940 invasion of the netherlands ». British J. Psychiatry. (1998). 172: 324-326
Effets sur la prématurité. Pour ce qui est du stress et prématurité, on peut voir au travers des travaux de Nicole Mamelle qu’un soutien psychologique durant la grossesse des femmes stressées diminue le nombre des prématurés et hypotrophes (ces résultats n’ont à ce jour apporté aucun changement dans les pratiques.)
Effets sur la morbidité et la mortalité périnatale. Berenson, A., et al., « Perinatal morbidity associated with violence experienced by pregnant women ». Am. J. obstetric, gynecol. (1994). 170: 1760-69. L’auteur montre une augmentation des grands prématurés et des chorioamniotites.
Effets sur l’index de résistance de l’artère utérine pendant le travail (augmentation). Teixeira, J.M.A., et al., « Association between maternal anxiety in pregnancy and increased uterine artery resistance index ». British Medical Journal. (1999). 318: 153-157.
Effets sur l’activité de l’axe adreno-cortico-hypophysaire :

1) Étude de RAMSAY (sur l’homme). Cette étude est particulièrement intéressante pour les accoucheurs, car elle étudie la réponse de l’axe corticotrope au stress après une naissance difficile associée ou pas à un périmètre crânien important. Ramsay, D.S., And Lewis, M., « The effects of birth condition on infant’s cortisol response to stress ». Paediatrics. (1995). 4: 546-549
Naissance difficile et axe corticotrope
La réponse de l’axe corticotrope au stress (ici l’agent stressant est une piqûre lors d’une vaccination) chez l’enfant est différent suivant les conditions de sa naissance : plus importante chez les enfants nés dans des conditions difficiles.

Réponse de l’axe corticotrope au stress (pas d’image)

taux de cortisol(pas d’image)

Conclusion
L’auteur pense qu’une réponse de cortisol élevée à deux mois est une bonne réponse de l’organisme à un stress. Cette réponse ne devrait pas perdurer au-delà de trois mois.

Les résultats montrent qu’après une naissance difficile en particulier due à un périmètre crânien important, l’élévation des taux de cortisol perdure plusieurs mois.

2) Étude de S. MACCARI de l’INSERM de Bordeaux (sur l’animal) Thèse – Congrès de néonatologie Port Royal 1998 Science et Avenir n° 614, Avril 1998, Page 41. Ses travaux ont été complétés par Maccari S., J. Neurosc. vol. 15 (1995) p. 110 et plus récemment par Vallée M., J. Neurosc. (1997) vol 17 p. 2626

Stress de contrainte réalisé chez la rate gestante décrit ci dessous par Maccari :
« Nous avons appliqué chez les mères un stress de contention en étudiant le taux de corticostérone et les récepteurs hippocampiques à J3, J21 et J90 postnatal.
De plus, nous avons voulu vérifier si un stress prénatal pouvait induire le comportement d’auto administration d’amphétamines chez la progéniture devenue adulte (comportement – réponse des mères soumises au stress). Nous avons pu observer chez les animaux adultes stressés prénatalement une altération du rétrocontrôle de l’axe corticotrope (à 120 mn après le début d’un stress de contention).
Les récepteurs hippocampiques sont réduits à l’âge de 21 et 90 jours.
De plus, ces animaux développaient le comportement d’auto-administration d’amphétamines.

Cependant des rats stressés prénatalement, mais adoptés précocement par une rate non stressée ne présentent plus de différence de quantité de récepteurs hippocampiques par rapport à des rats témoins. Notre modèle d’adoption a donc renversé les effets du stress prénatal ».

3) Étude de BARBAZANGES. Cette étude sur l’animal montre, qu’une séparation après la naissance induit chez le rat adulte une libération de Corticostérone (index du stress) plus soutenue au cours d’un nouveau stress. Cet effet pourrait être relié à une réduction du nombre de récepteurs glucocorticoides au niveau central (diminution du rétro-contrôle). Ces altérations biochimiques n’apparaissent pas lorsque les jeunes rats ont été adoptés. Barbazanges, A. M., et al., « Early and later adoptions have different long-term effects on male rat offspring ». J Neurosc. (1996) 16 (23): 7783

4) Etude de PATIN sur l’animal : Effets d’un stress répété, appliqué à des rates gestantes sur leur comportement maternel et le développement de leur progéniture (extraits)
5ème colloque de la société des neurosciences Toulouse 2831 Mai 2001 S10.4
Patin V. , Vincent A. , Lordi B. & Caston J.
LNBA. Psy. Co EA 1780, Rouen.

Cet article ainsi que le suivant ont interpellés les sages femmes, car elles aussi ont pu observer la corrélation existant entre le stress grandissant des femmes enceintes et les perturbations comportementales et physiologiques chez le bébé (troubles du sommeil, hyper-activité, reflux œsophagien, difficultés d’alimentation…)

 » Notre étude a pour but de déterminer chez le rat, les effets d’un stress émotionnel administré à des femelles gestantes sur leur comportement maternel et le développement de leur progéniture. Nous avons formé 3 groupes de 10 femelles chacun :
– Le groupe FI0 dont les femelles ont été stressées au 10ème jour de la gestation (au moment de la formation du tube neural).
– Le groupe FI4 dont les femelles ont été stressées au 14ème jour de gestation (au moment de la différentiation nerveuse)
– Le 3ème groupe témoin est constitué de femelles non stressées pendant la gestation.

L’élément stressant est un chat.

Les résultats observés sont les suivants :
Comparé à celui des animaux témoins, le comportement maternel des rates stressées, quel que soit le moment ou l’épisode stressant s’est manifesté, est perturbé. Il en est ainsi des comportement dirigés directement vers les petits (ramener les jeunes au nid, flairage et, léchage), et des comportements dirigés indirectement vers les jeunes (transport de queue, manipule la sciure). Les comportements ne concernant que les mères (repos, comportement alimentaire) sont également altérés.
L’ensemble des résultats montre que le stress prénatal ralentit le développement physiologique des jeunes. Ce ralentissement peut être du à un effet du stress prénatal sur le système neuro-endocrinien du fétus et/ou à une carence du comportement maternel… « 

5 ) Etude de VAN REECH sur l’animal : Stress prénatal, rythmes biologiques et sommeil (extraits)
5ème colloque de la société des neurosciences Toulouse 2831 Mai 2001 S10.2
Van Reech O.(1), Joseph V. (1), Lee F. (1), Gaudreau H. (1),Dugovic C. (1), Darnaudery M. (2) & Maccari S. (2) CERB Univ Libre Bruxelles Belgique : (2) Neurob. Comp Lilli.

Nombres d’évènements périnatals (pré ou post natals) influencent le développement de la progéniture et modifient à long terme son mode de fonctionnement. Nous avons développé des modèles de stress prénatal chez l’animal qui consistent à infliger des stress à des rates gestantes et d’en étudier les conséquences sur diverses variables comportementales, cognitives, mnésiques et neuroendocriniennes de leur progéniture.

Les ratons nés de mère stressée pendant les 10 derniers jours de gestation, présentent à l’age adulte une activité sexuelle réduite, un comportement anxieux, une hyper-réactivité à la nouveauté et une propension à l’auto administration de drogues psycho- actives.
…Ces rats stressés prénatalement, présentent , aussi d’importantes anomalies circadiennes (fonctionnement de l’horloge biologique responsable de la rythmicité de nos fonctions physiologiques) et métaboliques (stimulation anormale de l’axe corticotrope).

Stress multiples en relation avec les conduites obstétricales actuelles et ou une difficulté de naissance.

Etude de BIZIEAU Article de Bizieau « La péridurale risques pour le nouveau né et l’enfant ». Dossiers de l’Obstétrique 1997 n° 255
A l’occasion d’une étude très poussée de Serge Bizieau sur la péridurale on retrouve les études internationales explorant les effets à long terme des circonstances de la naissance sur la vie de l’individu.

1) Utilisation du Fentanyl (en péridurales) et rythme cardiaque foetal

« une étude portant sur 4 années d’utilisation de Fentanyl montre que le rythme cardiaque fœtal est perturbé entre la 10ème et la 20ème minute, à type de bradycardie, de diminution des mouvements actifs foetaux montrant une probable mais réelle sédation foetale»… Ici le risque potentiel est la dépression respiratoire pour le nouveau né. Leveque, et al., « Le Fentanyl dans l’analgésie obstétricale par voie péridurale. Bilan après 4 années d’utilisation ». J.Gyn. Obst et biol. Reprod. 16-p.113-121 (1987)

2) Orientation de la tête fœtale et péridurale

« Une étude comparative sur l’orientation de la tête fœtale au moment de l’engagement dans les accouchements déclenchés sous péridurale a montré 60% des présentations postérieures au moment de l’engagement contre 35% dans les accouchements non déclenchés, alors que dans la littérature 57 à 66 % des présentations se font en « antérieur » au moment de l’engagement. Cette difficulté de rotation de la tête fœtale entraîne bien sûr une augmentation des extractions instrumentales »…Tribalat, « L’orientation de la tête foetale au moment de l’engagement dans les accouchements déclenchés sous A P O J Gyn. Obst. et Biol. reprod. 15-p.937-939 (1986)

3) Autisme et conduites obstétricales

L’expérience japonaise publiée en 1991 relatant l’activité de trois centres hospitaliers entre 1975 et 1984 a montré que 21 enfants autistes sur 23 étaient nés dans l’hôpital qui pratiquait 95 % d’anesthésie générale au moment de l’accouchement. D’autres facteurs de risques étaient associés : déclenchement une semaine avant le terme, prémédication la veille de l’accouchement et anesthésique pendant le travail .Hattori, et al., « Autiste and developmental desorder after general Anesthesic Delivery ». The Lancet-p. 1357-1358 (june 1991)
4) Corrélation entre administration de drogues pendant l’accouchement et toxicomanie à l’adolescence

– L’étude de Jacobson établit une corrélation entre l’administration de drogues pendant l’accouchement, (en particulier le Protoxyde d’azote) et la toxicomanie à l’adolescence (notamment la dépendance à l’amphétamine ).Jacobson, et al., « Obstetric pain Médication and eventual Adult Amphétamine addiction in off Spring ». Acta Obst. And Gyn Scand. 67-p. 677-682 (1988)

-« L’ étude de Kellog a montré que l’injection de Valium à des rates gravides juste avant la mise bas avait des répercutions sur le comportement des petits jusqu’à la période pubertaire. » Kellog, et al., « Effects of périnatal Benzodiazipines on Développement Of Central nervous System ». Fourth International Congress pré and Périnatal Psychology – Ambert University

5) Corrélation entre condition de naissance et mode de suicide

« Une très instructive étude scandinave portant sur 412 suicides de 1978 à 1984 a établi la corrélation existant entre le mode de suicide et le mode de naissance…

– suicides violents pour les naissances très difficiles (forceps, circulaires serrées, etc…).

– suicides par asphyxie (pendaison gaz) liés aux asphyxies à la naissance et aux souffrances foetales du pré-partum.

– suicides par médicaments liés aux drogues (opiacés barbituriques) reçus par la mère pendant le travail. »… Jacobson, et al., « Périnatal Origine of Adult Self Destructive Behavior ». Acte Psychiat. Scand. 76 p.364-371 (1987)

6) Corrélations entre situations obstétricales difficiles associées au rejet maternel et violences à l’âge adulte

Les auteurs ont examiné les corrélations existant entre les situations obstétricales difficiles (extraction par forceps, procidence du cordon, pré-éclampsie, prolongation du travail) associées au rejet maternel et la violence à l’âge adulte (assassinats ou tentatives d’assassinat, viol, vol à main armée, etc…).
Si ces 2 conditions sont réunies on observe une augmentation considérable du risque de violences et de crimes chez l’adulte. Rain.A ; (University of Southern California) Archives of General Psychiatry Los angeles (décembre 1994)

7) Corrélation entre soutien psychologique et eutocie

Une étude Américaine montre également qu’un soutien psychologique continu pendant la grossesse entraine un moindre recours à l’utilisation d’occitociques, une diminution de la durée de travail ainsi qu’une diminution significative des transferts de nouveau nés en néonatalogie. Et ceci même si l’accompagnement est fait par une non professionnelle formée exemple les «doula» Américaines. Kennel, J., et al., « Un soutien psychologique continu pourrait favoriser un accouchement eutocique ». Jama. (1991). 2197-2201

8) Autre étude dans l’esprit des recherches de Bizieau : corrélation entre l’utilisation d’anti-douleur (Pétidine ) et désaffection rapide de l’allaitement maternel

« l’utilisation d’anti-douleur (péthidine) pendant le travail peut gêner à l’établissement du lien entre la mère et l’enfant, en empêchant le nouveau né de se nourrir convenablement. Des caméras vidéo ont filmé des bébés rampant sur le ventre maternel avant de masser le sein et d’attraper le mamelon provoquant ainsi la sécrétion d’ocytocine chez la mère. Les enfants non exposés aux anti-douleurs l’ont fait normalement. La moitié des enfants ayant eu des analgésiques ne massaient pas le sein et la plupart d’entre eux n’attrapaient pas le mamelon. » Ananthaswamy, A., « Using drugs during labour can prevent mother and child bonding ». New. Scientist. (2001):12